Trouvé chez Corisande
Nous vivions paisiblement dans une maison entourée d'un jardin fertile; sur une partie caillouteuse, éloignée de la maison, une cabane où nous remisions les outils.
Un jour, deux étrangers frappèrent à notre porte. Comme de coutume, nous offrîmes l'hospitalité.
Dès le lendemain, ils nous réunirent et déclarèrent: "Nous vivrons désormais ici". Ils avaient des armes à la main, nous dûmes nous soumettre.
Quelque temps après, un des nôtres protesta contre l'intrusion. Ils le tuèrent.
Ils firent venir des leurs, prirent pour domestiques des hommes d'une îles voisine.
Alors, ils nous expliquèrent: "La cohabitation n'est plus souhaitable, vous ne vivez pas comme nous, et de toute façon la maison n'est pas assez grande... La cabane, au fond du jardin, reste inutilisée, vous vous y installerez!".
Plusieurs années s'écoulèrent. Nous décidâmes de ne plus supporter cette situation.
Nous allâmes réclamer justice auprès des autorités du pays. "Qu'à cela ne tienne, nous répondit-on, nous organiserons un vote de tous les résidents de ce domaine...".
La voix du pouvoir ajouta: "... un vote dans le respect de la démocratie: un homme, une voix".
Dans la cabane, avec les enfants, nous étions sept. Dans la maison, avec les domestiques, ils étaient dix.
Nous étions kanaks, nous sommes kanaks.
Recueilli par Louise Michel, 1878-1884.
(Publié par le Groupe libertaire Louise Michel - Groupe Pierre Besnard, dans Des luttes de libération nationale... à l'anarchisme aux éditions La Rue en 1985)